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LA FIÈVRE D’OR.

plaisir à voir. Ses petits yeux noirs percés comme avec une vrille, pétillaient de finesse, et l’ensemble de ses manières ne manquait pas d’un certain cachet de distinction.

Il montait un cheval aussi maigre et aussi efflanqué que lui-même, sur les flancs creux duquel battait, comme sur un tambour, le sabre droit nommé machete, que les Mexicains portent continuellement au côté, passé tout dégainé dans un anneau de fer.

— Vous voilà bien tard sur les chemins, compagnon, reprit le colonel, que son escorte venait de rejoindre ; est-il prudent à vous de voyager seul à une pareille heure ?

— Que puis-je avoir à redouter ? répondit l’inconnu. Quel serait le salteador assez mal avisé pour m’arrêter ?

— Qui sait ? fit le colonel en souriant ; les apparences sont souvent trompeuses, et pour voyager sur les grandes routes de notre cher pays, ce n’est souvent pas une mauvaise combinaison que de feindre la misère.

Bien que dites sans intention, ces paroles troublèrent visiblement l’inconnu ; cependant il se remit presque aussitôt et répondit d’un ton enjoué :

— Malheureusement pour moi, toute feinte est inutile, je suis réellement aussi pauvre que je le parais en ce moment, bien, ajouta-t-il, que j’aie vu des jours plus heureux, et que mon manteau n’ait pas toujours été aussi troué que vous le voyez.

Le colonel, croyant s’apercevoir que ce sujet de conversation était désagréable à sa nouvelle connaissance, lui dit :

— Puisque vous ne vous êtes arrêté ni à San Pe-