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Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/205

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LA FIÈVRE D’OR.

bliant l’esprit de conquête et renonçant à s’agrandir davantage, ils se resserrent, au contraire, relient entre eux les intérêts des États qui composent leur confédération, et mettent enfin en pratique chez eux cette liberté et cette fraternité dont ils parlent tant au dehors, et qu’ils connaissent si peu au dedans.

Nul peuple n’égale les Américains dans l’art de fonder les villes ; en quelques jours à peine, là où s’élevait une forêt vierge pleine de mystère et d’ombre, ils alignent des rues, bâtissent des maisons, font des trottoirs, allument le gaz, et au milieu des rues et des places de ces villes créées comme par enchantement, les souches des arbres de la forêt ne sont pas encore mortes, et quelques vieux chênes oubliés verdissent çà et là d’un air mélancolique.

Il est vrai que beaucoup de ces villes improvisées pour les exigences du moment, sont souvent aussi vite désertées qu’elles ont été construites ; car l’Américain du Nord est le peuple nomade par excellence ; rien ne l’attache au sol, sa convenance seule peut le retenir dans un endroit : il n’a aucune de ces affections de cœur, aucun de ces souvenirs d’enfance ou de jeunesse qui font chez nous que l’on préfère souffrir dans certains endroits que de les quitter pour d’autres où comparativement on serait beaucoup mieux sous tous les rapports. Enfin, pour nous résumer, l’Américain n’a pas le chez soi, le home, en un mot, si cher aux Européens ; pour lui, le plus confortable et le plus agréable séjour est celui où il lui est possible d’empiler le plus facilement dollars sur dollars.

San-Francisco, cette ville qui compte aujourd’hui plus de soixante mille habitants, dans laquelle