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Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/308

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LA FIÈVRE D’OR.

malgré lui, il s’était laissé aller à risquer les seules onces qu’il possédât.

La chance lui avait, été favorable, si constamment favorable même, qu’il avait en moins d’une heure accaparé presque tout l’or des joueurs qui n’avaient pas craint de se risquer contre lui, si bien qu’il avait fini par gagner une somme énorme.

À l’instant où le comte et le général arrivaient près de lui, le dernier adversaire de don Cornelio se retirait complétement à sec, et, pour nous servir d’une expression assez triviale, le combat cessait faute de combattants, si bien que l’Espagnol, après avoir jeté un regard circulaire sur les assistants, voyant que personne ne se souciait davantage de lutter contre lui, s’occupait avec un inaltérable sang-froid à faire passer dans les vastes poches de ses calzoneras les onces amoncelées devant lui.

— Oh ! oh ! dit gaiement le général, il paraît que la société Atrevida est en veine cette nuit, señor don Luis, elle gagne de tous les côtés à la fois.

Le comte sourit à ce compliment à double tranchant.

— Voyons si je changerai la veine, moi, continua don Sebastian, me voulez-vous tenir tête, don Luis ?

— À une condition, général.

— Laquelle ? je l’accepte d’avance.

— La voici : j’ai une habitude particulière, c’est de ne jamais jouer que trois parties de suite.

— Bien.

— Attendez ; mais je joue ces trois parties toujours en doublant.

— Oh ! oh ! et si vous perdez une de ces trois parties ?