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LA FIÈVRE D’OR.

— Après ? reprit paisiblement l’officier, vous êtes un drôle !

— Un drôle ! fit l’autre avec colère ; ah çà, dites donc vous, prenez garde à vos paroles, hein !

— Vous êtes un drôle ! je le répète, et je vais vous châtier.

— Me châtier ? dit-il en ricanant ; venez-y donc !

— Donnez un sabre à ce misérable, fit l’officier en se tournant vers les assistants.

— Un sabre, pourquoi faire ?

— Pour me donner satisfaction de votre insulte.

— Moi, est-ce que je sais me battre au sabre ?

— Ah ! c’est ainsi ! reprit l’officier ; vous m’insultez parce que vous vous croyez soutenu par vos camarades, et que moi, je suis seul ; mais vos camarades sont de braves gens ; ils me connaissent et ne voudraient pas m’insulter.

— Non, non, reprirent quelques voix.

— Tandis que vous, vous êtes un misérable lâche, indigne de faire plus longtemps partie de la société. Je vous chasse ! vous n’êtes pas Français !… allez !

Alors, avec une force dont on était loin de se douter, l’officier saisit cet homme par le collet de son habit, le fit pirouetter et le lança à vingt pas.

Il se releva et se sauva à toutes jambes poursuivi par une huée générale.

L’officier ne s’était pas trompé, cet homme n’était pas Français, il était… mais à quoi bon divulguer sa nationalité, une nation toute entière ne doit pas être responsable des méfaits d’un seul homme.

Lorsqu’après cette exécution sommaire l’officier se retourna, tous les aventuriers avaient pris leurs rangs et se tenaient immobiles et silencieux.