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LA FIÈVRE D’OR.

allumé en guise de torche, une vingtaine d’hommes aux vêtements sordides, mélange horrible de luxe et de misère, aux visages où le crime était écrit en toutes lettres, mais tous armés jusqu’aux dents, étaient réunis en groupes de trois ou quatre individus buvant, mangeant, fumant et chantant.

Non loin d’eux, leurs chevaux, tout sellés et prêts à être montés au premier signal, broyaient leur provende d’alfalfa et de pois grimpants, et sur la lisière du couvert quatre ou cinq sentinelles, immobiles comme des statues de bronze, surveillaient attentivement les environs.

Un peu à l’écart, deux hommes assis sur des souches presqu’à niveau de terre, causaient, en s’envoyant d’énormes bouffées de tabac au visage.

Le premier et le plus âgé de ces deux hommes était un individu de vingt-sept à vingt-huit ans ; ses longs cheveux blonds tombaient en épaisses boucles sur ses épaules ; ses traits étaient efféminés, mais son nez en bec d’oiseau de proie, ses yeux d’un bleu clair et son front étroit imprimaient à sa physionomie un cachet de bassesse et de froide cruauté. Il portait le splendide costume des riches hacienderos mexicains, et jouait nonchalamment avec les ressorts d’un rifle américain damasquiné en argent.

Son compagnon formait avec lui un frappant contraste : autant le premier était grand, bien fait, doué de manières avenantes, autant le second était petit, trapu, lourd et repoussant de visage, de gestes et même de paroles. La richesse de ses vêtements ne servait pour ainsi dire qu’à faire ressortir et rendre plus saillante la hideur empreinte comme