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LA FIÈVRE D’OR.

— Peut-être ; pourtant cela m’étonnerait.

— Écoutez donc alors, Belhumeur ; vous vous demandez en ce moment pourquoi j’ai été si rude envers ce gentilhomme, que je ne connais pas, et que j’ai vu il y a un instant pour la première fois de ma vie.

— Ma foi ! vous avez deviné ; telle est en effet ma pensée ; je cherche vainement la raison d’une conduite si extraordinaire de votre part, je vous avoue que je renonce à la trouver.

— Ne cherchez pas davantage, ami, j’ai été malgré moi guidé par un pressentiment secret, par une espèce d’instinct incompréhensible qui me poussait contre ma volonté à agir ainsi que je l’ai fait.

— Voilà qui est étrange.

— Oui, n’est-ce pas ? Vous savez l’impression de répulsion instinctive que l’on éprouve à l’attouchement d’un reptile ?

— Sans doute.

— Eh bien ! lorsque cet homme s’est avancé vers moi, avant même de le voir, je le sentais, pour ainsi dire ; mon cœur battait avec force ; lorsqu’il m’a parlé, j’ai éprouvé une douleur subite incompréhensible, je me suis senti défaillir.

Belhumeur l’examina un instant avec la plus grande attention.

— Et vous concluez de cela ? fit-il.

— Je conclus que cet homme doit, à un moment donné, être mon ennemi ; qu’il se dressera devant moi, sombre et implacable, et qu’un jour il me sera fatal !

— Allons, mon ami, cela n’est pas possible : vous quittez ce pays pour n’y revenir jamais, puisque,