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LA FIÈVRE D’OR.

vint plus fort, et un cavalier armé d’un long aiguillon déboucha dans la clairière, chassant devant lui une douzaine de novillos et de taureaux à demi sauvages.

Après avoir été aidé par don Cornelio à parquer les animaux égarés qu’il venait de ramener, l’associé, qui n’était autre que le comte Louis de Prebois-Crancé, mit pied à terre, et s’assit devant le feu, avec cette nonchalance et cette mollesse de mouvements que produisent sur les natures énergiques, non pas la fatigue, mais le découragement et la lassitude morale.

— Ah ! fit-il en jetant un regard de côté sur les deux hommes étendus devant le feu, et qui, malgré le bruit causé par son arrivée, dormaient toujours où du moins en avaient l’apparence, il nous est venu des visiteurs.

— Oui, répondit don Cornelio, deux chasseurs des grandes prairies ; je n’ai pas cru devoir leur refuser l’hospitalité.

— Vous avez bien fait, don Cornelio ; nul n’a le droit au désert de refuser à l’étranger qui le demande courtoisement la chaleur du foyer et la moitié de son tasajo.

— C’est ce que j’ai pensé.

— Maintenant, mon ami, étendez-vous auprès de nos hôtes, et reposez-vous ; cette longue veille, après la dure journée d’hier, doit vous avoir fatigué outre mesure.

— Mais vous, don Luis, pourquoi ne dormez-vous pas quelques instants ? le repos vous doit être encore plus nécessaire qu’à moi-même.

— Laissez-moi veiller, mon ami, répondit le