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LA FIÈVRE D’OR.


III

UNE MALADRESSE.


Plusieurs jours s’écoulèrent sans que les deux amis reprissent leur conversation interrompue.

Ils avaient continué leur marche vers San-Francisco sans incident digne d’être noté.

Grâce à l’habileté de Valentin et à celle de Curumilla, bien que ce fût la première fois qu’ils s’avançassent aussi loin des régions qu’ils étaient habitués à parcourir, leur sagacité suppléait si admirablement à la connaissance des lieux, qu’ils évitaient avec un bonheur extrême les dangers qui menaçaient le succès de leur voyage et prévoyaient les obstacles encore éloignés, mais que l’habitude du désert leur faisait deviner comme par intuition.

Les deux anciens amis s’observaient, ils s’étudiaient pour ainsi dire : après une longue séparation, ils avaient besoin de se remettre en communion d’idées l’un avec l’autre ; cette communion de pensées et de sentiments qui si longtemps avait existé entre eux pouvait, par suite des milieux différents dans lesquels ils s’étaient trouvés jetés, et des circonstances qui avaient modifié leurs caractères, s’être rompu pour toujours ; chacun d’eux, grandi par les événements, ayant acquis la conscience de sa valeur personnelle et de sa puissance intellectuelle, était peut-être en droit de ne plus admettre sans discussion préalable certaines théories qui jadis étaient reconnues sans conteste.