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Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/95

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LA FIÈVRE D’OR.

qu’en même temps il soulevait son manteau, il lui montra une chevelure sanglante pendue à sa ceinture.

— Oh ! oh ! fit don Luis, ces démons se sont-ils aventurés aussi près de nous ?

— Oui, et sans Curumilla, dont l’œil ne se ferme jamais et l’esprit est constamment en éveil, probablement nos bestiaux seraient enlevés il y a déjà plus d’une heure.

— Grand merci pour sa vigilance, alors, fit le comte avec une expression de dépit qu’il ne put entièrement dissimuler ; mais vous connaissez les Indiens, compagnons, dès qu’ils se voient découverts, ils ne sont plus à craindre, je crois que maintenant, après la leçon qu’ils ont reçue, nous sommes en sûreté et que nous n’avons pas besoin de nous occuper d’eux davantage.

— Non pas, frère, tu te trompes ; regarde tes novillos, ils sont inquiets : à chaque instant, ils relèvent la tête et ne broient pas leur provende avec franchise. Dieu a donné aux animaux un instinct de la conservation qui ne les trompe jamais ; crois-moi, ils redoutent un danger et sentent des ennemis non loin d’eux.

— Au fait, c’est possible ; veillons donc.

Les quatre hommes demeurèrent alors silencieux et attentifs.

Une heure environ se passa ainsi sans que rien vînt corroborer leurs soupçons.

Cependant les taureaux se pressaient les uns contre les autres, ils avaient cessé de manger ; leur inquiétude, au lieu de diminuer, semblait, d’instant en instant, s’accroître.