Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/103

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La fille de l’haciendero laissa tomber son regard clair sur le jeune homme, et sans détourner la tête, continuant toujours à le fixer, elle se rapprocha de lui à petits pas, hésitant et frémissant malgré elle ; lorsqu’elle fut arrivée auprès de lui, elle demeura un instant indécise ; enfin, elle lui appuya ses deux mains blanches et mignonnes sur les épaules et approcha son doux visage si près du sien que le Tigrero sentit sur son front la fraîcheur de son haleine embaumée, tandis que ses longues tresses noires et parfumées le caressaient doucement.

— Ainsi, lui dit-elle d’une voix harmonieuse, vous m’aimez, don Martial ?

— Oh ! murmura le jeune homme, presque fou d’amour à ce contact délicieux.

La Mexicaine se pencha vers lui encore davantage, et effleurant de ses lèvres roses le front moite du Tigrero :

— Maintenant, lui dit-elle en bondissant en arrière par un mouvement ravissant de biche effarouchée, tandis que son visage s’empourprait sous l’effort qu’elle avait fait pour vaincre sa pudeur, maintenant défendez-moi, don Martial, car devant Dieu, qui nous voit et nous juge, je suis votre femme !

Le Tigrero se redressa sous la brûlure corrosive de ce baiser. Le front radieux, les yeux étincelants, il saisit le bras de la jeune fille, et l’attirant vers un angle de la chambre où se trouvait une statue de la Vierge devant laquelle brûlait de l’huile parfumée :

— À genoux ! señorita, dit-il d’une voix inspirée, et lui-même s’inclina.

La jeune fille lui obéit.

— Sainte mère des douleurs, reprit don Martial ;