Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/126

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Il faisait une de ces magnifiques matinées comme l’on n’en trouve que dans ces régions bénies ; l’orage de la nuit avait entièrement balayé le ciel, qui était d’un bleu mat ; le soleil, déjà assez haut sur l’horizon, répandait à profusion ses chauds rayons tamisés par les vapeurs odoriférantes qui s’exhalaient du sol ; l’atmosphère, imprégnée de senteurs âcres et pénétrantes, était d’une transparence inouïe, un léger souffle de vent rafraîchissait l’air par intervalles ; des troupes d’oiseaux, brillant de mille couleurs, volaient dans toutes les directions, et les mules suivant le grelot de la Nena Madrina — la jument marraine — trottaient excitées par les chants des arrieros.

La caravane marchait ainsi gaiement au milieu des sables de la plaine, soulevant autour d’elle des flots de poussière, et formant un long serpent aux mille ondulations dans les détours sans fin de la route. Une avant-garde de dix domestiques explorait les environs, surveillant les buissons et les dunes mouvantes. Don Sylva fumait un cigare en causant avec sa fille, et une arrière-garde composée de vingt hommes résolus fermait la marche et assurait la sécurité du convoi.

Nous le répétons, dans ces pays où la police est nulle, et par conséquent la surveillance impossible, un voyage de quatre lieues — car le Rancho de San José n’est qu’à cette distance de Guyamas — est une chose aussi sérieuse et exige autant de précautions que chez nous un voyage de cent lieues ; les ennemis que l’on peut rencontrer et avec lesquels on est exposé à chaque instant à avoir maille à partir, voleurs indiens ou bêtes fauves, étant trop