Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/136

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curieusement travaillée et surmonté d’une varanda, donnait accès dans les appartements du comte, meublés avec ce luxe simple et pittoresque qui distingue les fermes espagnoles de l’Amérique.

Entre l’habitation et le mur d’enceinte percé en face du perron et garni d’une porte de cèdre de cinq pouces d’épaisseur doublée de fortes lames de fer, s’étendait un vaste jardin anglais parfaitement dessiné et tellement touffu et accidenté qu’à quatre pas de distance il était impossible de rien voir. L’espace laissé libre derrière la ferme était réservé pour les parcs ou corales dans lesquels chaque soir on enfermait les bestiaux, et à une espèce de large cour où chaque année, à une certaine époque, on avait l’habitude de faire la matanza del ganado, — l’abattement du bétail. —

Rien de pittoresque comme l’aspect de cette maison blanche dont le faîte apparaissait au loin, à moitié caché par les branches des arbres formant un rideau de feuillage qui reposait agréablement la vue.

Des fenêtres du premier étage, le regard planait sur la plaine d’un côté, et de l’autre sur le rio Gila, qui, tel qu’un large ruban d’argent, se déroulait en formant les plus capricieux détours, et allait se perdre à une distance infinie dans les lointains bleuâtres de l’horizon.

Depuis que les Apaches avaient failli surprendre l’hacienda, un mirador avait été construit sur le toit du principal corps de logis, et dans ce mirador se tenait jour et nuit une sentinelle chargée de surveiller les environs et d’avertir, au moyen d’une corne de bœuf, de l’approche de tout étranger qui se dirigerait vers la colonie.