Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/195

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si nous ne prenons pas les précautions nécessaires.

— C’est vrai, le cas est sérieux. Malheureusement, je ne vois qu’un seul moyen de se soustraire au danger qui nous menace, ce moyen, nous ne pouvons l’employer.

— Quel est-il ?

— Pardieu ! ce serait de nous sauver.

— J’en connais un autre, moi, observa la Tête-d’Aigle.

— Vous, chef ? Alors vous allez nous en faire part, n’est-ce pas ?

— Que les visages pâles écoutent ! Le rio Gila, comme tous les autres grands fleuves, entraîne dans son cours des arbres morts, et cela parfois en si grande quantité qu’ils finissent en certains endroits par obstruer complètement le passage ; avec le temps, ces arbres se serrent les uns contre les autres, leurs branches s’entrelacent ; puis viennent des herbes qui les lient encore plus étroitement et les cimentent ; le sable, la terre s’amoncèlent sur ces énormes radeaux, sur lesquels poussent des herbes et qui de loin ressemblent à des îles, jusqu’à ce qu’arrive un orage ou une forte crue du fleuve qui déracine le radeau, l’emporte au loin, le disjoint peu à peu et finit par l’anéantir.

— Oui, je sais cela. J’ai souvent eu des exemples de ce que vous nous dites en ce moment, chef, répondit Belhumeur. Ces radeaux finissent par avoir si bien l’apparence d’îles, que l’homme le plus habitué à la vie du désert et aux grands spectacles de la nature y est souvent trompé lui-même. Je comprends tout ce que votre idée a d’avantageux pour