Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/249

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avoir d’un regard perçant cherché à sonder les ténèbres qui l’enveloppaient, il s’étendit sur le sol et gagna, en rampant au milieu des herbes, le bord de la rivière ; il se mit doucement dans l’eau, et, tantôt en nageant avec précaution, tantôt en plongeant, il se dirigea vers l’île qu’il ne tarda pas à atteindre.

Mais à l’instant où il prenait pied sur le sable et allait se redresser, un bruit presque imperceptible frappa son oreille, il lui sembla remarquer sur l’eau, tout auprès de lui un mouvement de remous extraordinaire ; la Tête-d’Aigle plongea de nouveau et s’éloigna du rivage, sur lequel il était sur le point de monter.

Soudain, à l’instant où il reparaissait à la surface pour reprendre une provision d’air, il vit étinceler deux yeux ardents en face de lui ; il reçut un coup violent dans la poitrine, tournoya sur lui-même, étourdi par cette attaque subite, et sentit une main nerveuse lui serrer la gorge comme dans des tenailles de fer.

L’instant était suprême : la Tête-d’Aigle comprit qu’à moins d’un effort désespéré, il était perdu ; il le tenta. Saisissant à son tour l’ennemi inconnu qui le tenait à la gorge, il l’enlaça avec la vigueur du désespoir.

Alors commença Une lutte horrible et silencieuse dans le fleuve, lutte sinistre où chacun voulait tuer son adversaire, sans songer à repousser ses atteintes. L’eau, troublée par les efforts des deux combattants, bouillonnait comme si des alligators eussent été aux prises. Enfin un corps sanglant et défiguré remonta inerte à la surface et flotta ; puis, au bout de quelques secondes, une tête, décomposée par les