un accent d’amer reproche : les Comanches sont-ils donc devenus des antilopes timides qu’ils fuient comme des chiens apaches devant les balles des visages pâles ?
— La Tête-d’Aigle ! la Tête-d’Aigle ! s’écrièrent avec une joie mêlée de honte les guerriers en baissant les yeux sous le regard étincelant du chef.
— Pourquoi mes fils ont-ils abandonné sans l’ordre d’un sachem les territoires de chasse du del Norte ? sont-ils maintenant les rastreros[1] des Apaches ?
Un murmure étouffé parcourut les rangs à ce reproche sanglant du chef.
— Un sachem a parlé, reprit durement la Tête-d’Aigle ; n’y a-t-il pas ici personne pour lui répondre ? les Comanches des Lacs n’ont-ils plus de chefs pour les commander ?
Un guerrier fendit alors les rangs pressés des Comanches, s’approcha de la Tête-d’Aigle, et courbant respectueusement le front jusque sur le cou de son cheval :
— Le Moqueur est un chef, dit-il d’une voix douce et harmonieuse.
Le visage de la Tête-d’Aigle se dérida, ses traits perdirent instantanément leur expression de fureur ; il jeta sur le guerrier qui lui avait répondu un regard empreint de tendresse, et lui tendant la main droite la paume en avant :
— Œh ! dit-il, mon cœur est joyeux de voir mon fils le Moqueur. Les guerriers camperont ici pendant que deux sachems tiendront conseil.
Et faisant au chef un geste impérieux, il s’éloi-
- ↑ Limiers.