Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/254

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gna avec lui, suivi du regard par les Peaux-Rouges, qui se hâtèrent d’obéir à l’ordre qu’il avait si péremptoirement donné.

La Tête-d’Aigle et le Moqueur s’écartèrent assez pour que leurs paroles ne fussent pas entendues.

— Tenons conseil, dit le chef en s’asseyant sur un tertre et faisant signe au Moqueur de prendre placé à ses côtés.

Celui-ci obéit sans répondre.

Il y eut un assez long silence entre les deux Indiens qui, évidemment ; malgré l’indifférence qu’ils affectaient, s’examinaient l’un l’autre attentivement.

Enfin, la Tête-d’Aigle prit la parole d’une voix lente et accentuée :

— La Tête-d’Aigle est un guerrier renommé dans sa nation, dit-il ; il est le premier sachem des Comanches des Lacs ; son totem abrite sous son ombre immense et protectrice les fils innombrables de la grande tortue sacrée, Chemiin-Antou, dont l’écaille resplendissante soutient le monde, depuis que le Wacondah a précipité dans l’espace le premier homme et la première femme après leur faute. Les paroles que souffle la poitrine de la Tête-d’Aigle sont celles d’un Sagamore ; sa langue n’est point fourchue : le mensonge n’a jamais souillé ses lèvres. La Tête-d’Aigle a servi de père au Moqueur ; c’est lui qui lui a appris à dompter un cheval, à percer de ses flèches l’antilope rapide, ou à étouffer dans ses bras l’ours monstrueux. La Tête-d’Aigle aime le Moqueur, qui est le fils de la sœur de sa troisième femme ; la Tête-d’Aigle a donné place au feu du conseil au Moqueur ; il en a fait un chef, et lorsqu’il s’est absenté des villages de sa nation, il lui