— À quoi bon ? Votre chef ne me connaît pas, mon nom ne lui apprendrait rien.
— Peut-être ; du reste, cela vous regarde ; conservez votre incognito si cela vous convient. Seulement, vous trouverez bon que je ne vous laisse pas pénétrer jusqu’au capitaine : il est en ce moment en train de souper avec ses officiers, et certes il ne se dérangera pas au milieu de la nuit pour parler à un inconnu.
L’étranger ne put dissimuler un vif mouvement de contrariété.
— Peut-être, vous dirai-je à mon tour, reprit-il au bout d’un instant ; écoutez, vous êtes un ancien soldat, n’est-ce pas ?
— Je le suis encore, répondit le cavalier en se redressant avec orgueil.
— Bien que vous parliez parfaitement l’espagnol, je crois cependant vous reconnaître pour Français.
— J’ai cet honneur.
L’étranger sourit intérieurement. Il tenait son homme ; il avait trouvé son côté faible.
— Je suis seul, reprit-il ; vous avez je ne sais combien de compagnons, laissez-moi parler à votre capitaine. Que craignez-vous ?
— Rien ; mais ma consigne est formelle, je ne puis la violer.
— Nous sommes au fond d’un désert, à plus de cent lieues de toute habitation civilisée, dit l’inconnu avec insistance ; vous comprenez qu’il a fallu des raisons bien fortes et bien graves pour m’engager à braver les périls sans nombre du long voyage que j’ai fait afin de causer quelques instants avec le comte de Lhorailles. Me ferez-vous échouer au port,