Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/32

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sage une expression impossible à rendre, et enfin toute sa personne exhalait un suave parfum d’innocence et de candeur qui attirait la sympathie et inspirait l’amour.

Comme toutes les Mexicaines dans l’intérieur de leurs maisons, elle ne portait qu’une légère robe de mousseline brochée ; son rebozo était jeté négligemment sur ses épaules, et une profusion de fleurs de jasmin s’étalait dans sa chevelure d’un noir bleuâtre, qu’elle embaumait.

Anita semblait rêveuse ; parfois l’arc de ses sourcils se fronçait sous l’effort de la pensée qui l’obsédait ; son sein se soulevait, et son pied mignon, chaussé de pantoufles fourrées de duvet de cygne, frappait impatiemment le sol.

Don Sylva de Torrès, lui aussi, paraissait mécontent ; après avoir jeté un regard sévère à sa fille, il se leva, et s’approchant d’elle :

— Vous êtes une folle, Anita ; votre action est extravagante ; une jeune fille bien née ne doit, dans aucun cas, agir ainsi que vous venez de le faire…

La jeune Mexicaine ne répondit que par une moue significative et un imperceptible haussement d’épaules.

Son père continua :

— Surtout, dit-il en appuyant sur chaque syllabe, dans votre position vis-à-vis du comte de Lhorailles.

La jeune fille se redressa comme si un serpent l’eût piquée, et fixant un regard interrogateur sur le visage impassible de l’haciendero :

— Je ne vous comprends pas, mon père répondit-elle.

— Vous ne me comprenez pas, Anita ? je ne puis