Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/33

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le croire. N’ai-je pas formellement promis votre main au comte ?

— Qu’importe, si je ne l’aime pas. Voulez-vous donc me condamner à être malheureuse toute ma vie ?

— C’est au contraire votre bonheur que j’ai recherché dans cette union. Je n’ai que vous, Anita, pour me consoler de la perte douloureuse de votre mère bien-aimée. Pauvre enfant, vous êtes encore, grâce à Dieu, à cet âge béni du ciel où le cœur s’ignore lui-même et où les mots bonheur et malheur n’ont aucune signification. Vous n’aimez pas le comte, dites-vous ; tant mieux ! votre cœur est libre ; lorsque plus tard vous aurez été à même d’apprécier les nobles qualités de celui que je vous donne pour mari, alors vous me remercierez d’avoir exigé ce mariage qui aujourd’hui vous cause un si grand chagrin.

— Mais, mon père, fit vivement la jeune fille d’un air dépité, mon cœur n’est pas libre, vous le savez bien.

— Je sais, doña Anita de Tores, reprit sévèrement l’haciendero, qu’un amour indigne de vous et de moi ne peut entrer dans votre cœur. Par mes aïeux, je suis Christiano Viejo, si quelques gouttes de sang indien se trouvent dans mes veines, je n’en ai que plus profondément gravé dans l’âme ce que je dois à la mémoire de mes ancêtres. Notre premier aïeul, Antonio de Sylva, lieutenant de Hernando Cortez, épousa, il est vrai, une princesse mexicaine de la famille de Moctecuzoma, mais tous nos autre ascendants sont Espagnols.

— Ne sommes-nous donc pas Mexicains, mon père ?