Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/332

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trons en route : nous avons vingt mules chargées de vivres, dix pour transporter l’eau, huit chargées de munitions de guerre ; nous n’avons donc rien à redouter.

— C’est vrai jusqu’à un certain point, señor conde, observa le capataz.

— Comment cela ?

— Nous n’avons pas de guides.

— À quoi bon des guides, s’écria violemment le comte ; nous n’avons besoin que de suivre la trace des Apaches, il me semble.

Blas Vasquez hocha la tête.

— Vous ne connaissez pas le del Norte, seigneurie, dit-il nettement.

— En effet, voici la première fois que le hasard m’amène de ce côté.

— Je prie Dieu que ce ne soit pas la dernière.

— Que voulez-vous dire ? fit le comte avec un secret tressaillement.

Señor conde, le del Norte n’est pas un désert, c’est un gouffre de sables mouvants ; au moindre souffle d’air, dans ces régions désolées, le sable se soulève, tourbillonne et engloutit hommes et chevaux, sans laisser de traces : tout disparaît à jamais, enseveli dans un suaire de sable.

— Oh ! oh ! fit le comte en réfléchissant.

— Croyez moi, señor conde, continua le capataz, ne vous aventurez pas avec vos braves soldats dans cet implacable désert ; aucun de vous n’en sortirait.

— Cependant, les Apaches sont des hommes aussi ; ils ne sont ni plus braves ni mieux montés que nous, n’est-ce pas ?

— En effet.

— Eh bien, ils traversent le del Norte du nord au