Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/399

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le Grand-Esprit, l’or est utile. Mes frères m’accompagneront au placer ; non pas, comme ils le supposent, pour prendre des pépites, mais seulement pour savoir où elles sont et pouvoir les retrouver au besoin. Le malheur arrive toujours sans être attendu, les plus favorisés du Grand-Esprit aujourd’hui, sont souvent ceux que demain il frappera le plus sévèrement. Eh bien, si l’or de ce placer ne peut rien pour le bonheur de mes frères, qui leur assure qu’il ne servira pas à un temps donné pour sauver un de leurs amis du désespoir ?

— C’est vrai, fit don Luis, touché de la justesse de ce raisonnement ; ce que vous dites est sage et mérite considération. Nous pouvons, nous, refuser de nous enrichir, mais nous ne devons pas mépriser des richesses qui peut-être un jour serviront à d’autres.

— Si c’est définitivement votre avis, je l’adopte ; d’ailleurs, maintenant que nous sommes en route, autant aller jusqu’au bout ; seulement, celui qui m’aurait dit que je serais un jour gambucino m’aurait bien étonné. Je vais, en attendant, tâcher de tuer un daim.

Sur ce, Belhumeur se leva, prit son fusil et s’éloigna en sifflant.

Le Moqueur fut deux jours absent ; vers le milieu de la troisième journée, il reparut ; six chevaux laissés dans la prairie étaient chargés de vivres, six autres portaient des outres pleines d’eau.

La Tête-d’Aigle fut satisfait de la façon, dont le chef s’était acquitté de sa mission ; mais comme le trajet que l’on avait à faire était long, qu’il fallait traverser le désert du del Norte presque dans toute sa longueur, il ordonna que chaque cavalier porte-