Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/46

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Soudain l’animal fit un brusque mouvement causé par le froid de la blessure, mais son maître le serra de façon à neutraliser ses efforts.

Il y eut pour les deux hommes une minute d’anxiété : le sang ne sortait pas ; enfin une goutte noirâtre apparut à l’endroit de la piqûre, puis une seconde, remplacée bientôt par une troisième, et un long jet de sang noir et écumeux s’élança au dehors.

— Il est sauvé ! s’écria le cavalier en essuyant sa lancette et la remettant dans sa trousse.

— Je vous revaudrai celle-là, foi de Belhumeur ! dit avec émotion le maître du cheval ; vous m’avez rendu un de ces services qui ne s’oublient pas.

Et par un mouvement irrésistible il tendit la main à l’homme qui s’était si providentiellement trouvé sur sa route. Celui-ci répondit franchement à cette chaleureuse étreinte. Désormais tout était dit entre eux : ces deux hommes, qui quelques instants auparavant ne se connaissaient pas, ignoraient l’existence l’un de l’autre, étaient amis, liés par un de ces services qui dans les pays américains ont une immense valeur.

Cependant le sang perdait peu à peu sa teinte noirâtre, il devenait vermeil et coulait avec abondance ; la respiration du cheval haletante et saccadée était devenue facile et régulière. Le premier inconnu fit la saignée copieuse ; puis lorsqu’il jugea le cheval en bonne voie, il arrêta le sang.

— Maintenant, dit-il, que comptez-vous faire ?

— Ma foi, je n’en sais rien ; Votre aide m’a déjà été si utile que je ne veux agir que d’après vos conseils.

— Où alliez-vous lorsque cet accident vous est arrivé ?