Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/69

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Côte et se divisaient en deux classes : les boucaniers et les flibustiers.

Les boucaniers, errants dans les forêts vierges, chassaient les taureaux, tandis que les flibustiers écumaient les mers, attaquant tous les pavillons, pillant tous les navires sous prétexte de faire la guerre aux Espagnols, mais en réalité dépouillant les riches au profit des pauvres, seul moyen qu’ils eussent trouvé de rétablir l’équilibre entre les deux classes. Les Frères de la Côte, se recrutant sans cesse de tous les mauvais sujets sans aveu du vieux monde, devinrent puissants, si puissants même que les Espagnols tremblèrent pour leurs possessions, et qu’un glorieux roi de France ne dédaigna pas de traiter avec eux et de leur envoyer un ambassadeur ; puis, par la force même des circonstances, comme toutes les puissances issues de l’anarchie, et qui, par conséquent, ne possèdent en elles aucun principe de vitalité, lorsque les nations maritimes eurent reconnu leurs forces, les Frères de la Côte s’amoindrirent peu à peu et finirent par disparaître entièrement. Pour les avoir forcés à rentrer dans l’obscurité, on crut, non pas les avoir vaincus, mais les avoir anéantis ; il n’en était rien, ainsi que vous allez le voir. Je vous demande pardon pour ce long et fastidieux exorde, mais il était indispensable, afin que vous comprissiez bien ce qui me reste à vous expliquer.

— Il est près de quatre heures et demie, observa le comte ; il nous reste au plus quarante minutes.

— Ce temps, quelque court qu’il soit, me suffira, reprit le baron ; je reprends. Les Frères de la Côte n’étaient pas anéantis, ils s’étaient transformés, se