Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/140

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— Hélas ! madame, chacun de nous a sa croix à porter en ce monde ; heureux celui que son fardeau n’accable pas !

— Pardonnez-moi de vous avoir importuné de mes douleurs, mon père, dit-elle en se préparant à partir ; je vous remercie de vos bonnes paroles.

— Je n’ai rien à vous pardonner ; mais permettez-moi de vous adresser encore une question.

— Faites, mon père, je vous écoute.

— Je suis missionnaire. Depuis plusieurs années j’ai été envoyé en Amérique, dont j’ai parcouru dans tous les sens les immenses solitudes. J’ai vu bien des choses dans mes voyages, rencontré bien des individus. Qui sait ? peut-être, sans le connaître, me suis-je trouvé avec votre fils et pourrai-je vous donner enfin ces nouvelles que depuis si longtemps vous attendez vainement.

La pauvre mère lui lança un regard d’une expression indéfinissable et posa la main sur son cœur pour en contenir les battements précipités.

— Madame, Dieu dirige toutes nos actions, c’est lui qui a voulu notre rencontre sur cette plage ; cet espoir que vous avez perdu, je pourrai peut-être vous le rendre, Dieu ne fait rien sans but. Quel est le nom de votre fils ?

En ce moment, le père Séraphin avait l’air réellement inspiré, sa voix était imposante, ses yeux brillaient d’un feu clair et fascinateur.

— Mon père, mon père ! s’écria-t-elle haletante.

— Madame, reprit-il, quel est le nom de votre fils ?

— Valentin Guillois ! murmura la pauvre femme en se laissant tomber presque évanouie sur une pièce de bois abandonnée sur la plage.