Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/139

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de l’argent ainsi, je me figure qu’il me vient de mon fils, qu’il pense à moi, et je suis heureuse.

— N’en doutez pas, madame, c’est votre fils qui vous adresse cet argent.

— N’est-ce pas ? dit-elle avec un mouvement de joie. Eh bien, j’en suis tellement persuadée, que je n’y touche pas, je le garde ; toutes les sommes sont là, chez moi, intactes, dans l’ordre où je les ai reçues. Souvent, quand la douleur m’accable plus que de coutume, que le poids qui pèse sur mon cœur me paraît trop lourd et m’étouffe, je prends les pièces les unes après les autres, je les regarde, je les fais couler dans mes doigts en causant avec elles, et il me semble que mon fils me répond, qu’il me dit d’espérer, que je le reverrai, et je sens l’espoir rentrer dans mon âme. Oh ! vous devez me trouver bien folle, n’est-ce pas, mon père, de vous dire tout cela ? mais une mère, de qui peut-elle parler, si ce n’est de son fils ? À qui peut-elle penser, sinon à son fils ?

Le père Séraphin la regardait avec un attendrissement mêlé de respect. Tant de grandeur et de simplicité dans une femme d’une condition si ordinaire le subjuguaient, il sentait des larmes couler sur ses joues sans songer à les cacher.

— Oh ! sainte et noble créature, lui dit-il, espérez, espérez ! Dieu veille sur vous !

— Vous le croyez, vous aussi, n’est-ce pas, mon père ? Oh ! merci ! Tenez, vous ne m’avez rien appris, eh bien, pourtant, je me sens toute réconfortée de vous avoir vu, d’avoir laissé mon cœur déborder devant vous. C’est que vous êtes bon, vous avez compris ma douleur, car, vous aussi, vous avez souffert sans doute.