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Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/233

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Le père Séraphin entra dans la hutte en essuyant la sueur qui coulait sur son front.

Le Cèdre-Rouge lui avança une butaque.

— Asseyez-vous, père, lui dit-il, vous êtes en nage ; voulez-vous vous rafraîchir ?

— Merci, répondit le missionnaire ; nous n’avons pas un instant à perdre, écoutez-moi.

— Que se passe-t-il donc, père ? pourquoi êtes-vous venu avec une si grande précipitation ?

— Hélas ! reprit-il, parce que vous êtes menacé d’un malheur terrible.

Le squatter devint pâle.

— C’est juste, murmura-t-il en fronçant les sourcils : l’expiation commence.

— Du courage, mes enfants ! dit affectueusement le missionnaire ; vos ennemis ont, je ne sais comment, découvert votre retraite ; demain, aujourd’hui peut-être, ils seront ici : il faut fuir, fuir au plus vite !

— À quoi bon ? murmura le squatter ; le doigt de Dieu est là-dedans, nul ne peut éviter sa destinée ; mieux vaut rester, au contraire.

Le père Séraphin prit un air grave, et d’une voix sévère :

— Dieu, dit-il, veut vous éprouver sans doute, vous livrer à ceux qui vous cherchent pour vous tuer serait une lâcheté, un suicide ! le ciel ne vous le pardonnerait pas. Toute créature doit défendre sa vie quand on l’attaque ; fuyez, il le faut, je le veux, je vous l’ordonne !

Le squatter ne répondit pas.

— Du reste, reprit le père Séraphin avec un ton qu’il essaya de rendre gai, peut-être n’est-ce qu’une bourrasque ; vos ennemis ne vous trouvant pas ici,