Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/241

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cinq hommes debout sur la crête du pic étaient en effet le Chercheur de pistes et ses amis.

— C’est égal, reprit le général Ibañez, vous conviendrez avec moi que notre position, loin de s’améliorer, se fait, au contraire, à chaque instant plus difficile ; depuis deux jours les vivres nous manquent complètement, et je ne vois pas comment, dans ces régions glacées, nous nous en procurerons d’autres. Le Cèdre-Rouge s’est joué de nous avec cette astuce diabolique qui ne lui fait jamais défaut ; il nous a attirés dans un piège d’où nous ne pourrons sortir, et où nous trouverons la mort.

Il y eut un lugubre silence.

C’était quelque chose de navrant que le désespoir de ces hommes si fortement trempés, calculant froidement, au milieu de la nature marâtre qui les enserrait de toutes parts, les quelques heures d’existence qui leur restaient à peine encore.

Se soutenant à peine, ressemblant plus à des cadavres qu’à des hommes, les traits hâves et les yeux rougis de fièvre, ils étaient là en proie à une faim dévorante, calmes et résignés, voyant à leurs pieds se dérouler les campagnes magnifiques au milieu desquelles bondissaient des milliers d’animaux et croissaient de toutes parts les arbres dont les fruits les auraient si vite rassasiés.

Mais entre ces campagnes et eux s’élevait une barrière infranchissable que ni la force ni la ruse n’avaient pu enlever ; tout ce qu’il était humainement possible de faire pour se sauver, depuis dix jours, ces hommes l’avaient fait. Tous leurs projets avaient été déjoués par une fatalité étrange qui les avait continuellement fait tourner dans le même cercle au mi-