Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/296

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plus hideuse transformation de l’espèce qui se puisse imaginer. Nathan n’aimait rien, ne croyait à rien et ne respectait rien. Une seule personne avait sur lui une certaine influence : cette personne était Ellen ; mais en ce moment elle ne se trouvait pas près de lui.

Le jeune homme marcha ainsi assez longtemps sans rien apercevoir qui pût lui donner à soupçonner l’approche d’un danger quelconque.

Cependant cette sécurité factice ne le faisait pas se relâcher de ses précautions, au contraire.

Tout en s’avançant, le canon du rifle en avant, le corps penché et l’oreille tendue au moindre bruit, tandis que ses yeux de chacal fouillaient les buissons et les halliers, il réfléchissait, et plus il allait, plus ses réflexions devenaient sombres.

La raison en était simple : il se savait entouré d’ennemis implacables, surveillé par des espions nombreux, clairvoyants surtout, et rien ne venait troubler le calme de la prairie. Tout paraissait être dans l’état ordinaire ; il était impossible de s’apercevoir du moindre mouvement suspect dans les herbes ou dans les broussailles.

Ce calme était trop profond pour être naturel.

Nathan ne se laissait pas prendre à cette tranquillité factice.

— Hum ! disait-il à part lui, tout à l’heure nous allons avoir à en découdre, cela est certain ; le diable soit de ces brutes de Peaux-Rouges qui ne veulent pas donner signe de vie ! Je marche à l’aveuglette sans savoir où je vais, je suis convaincu que je vais tomber dans quelque chausse-trappe tendue sous mes pas par ces misérables et dont il me sera impossible de me dépêtrer.