Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/56

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— Peut-être, reprit-elle doucement. Eh bien, écoutez ; je veux, quoi qu’il arrive, soulager mon cœur. Un jour, je jouais sur les genoux de ma mère, mon père était auprès de nous avec ma sœur, tout à coup un cri horrible retentit à la porte de notre hacienda : les Indiens apaches nous attaquaient ; mon père était un homme résolu, il saisit ses armes et se précipita aux murailles. Que se passa-t-il alors ? Je ne saurais le dire. J’avais cinq ans à peine à cette époque, et la scène terrible à laquelle j’assistai est enveloppée dans ma mémoire sous un voile sanglant ; je me souviens seulement que ma mère, qui pleurait en nous embrassant, tomba tout à coup entre les bras de ma sœur et de moi en nous inondant de sang : ce fut en vain que je cherchai à la ranimer par mes caresses : elle était morte.

Il y eut un silence.

Le Blood’s Son écoutait avidement ce récit, le front pâle, les sourcils froncés, serrant convulsivement le canon de son rifle et essuyant par intervalles la sueur qui coulait sur son visage.

— Continuez, enfant, murmura-t-il.

— Je ne me rappelle plus rien ; des hommes semblables à des démons s’élancèrent dans l’hacienda, s’emparèrent de ma sœur et de moi, puis ils s’éloignèrent de toute la vitesse de leurs chevaux. Hélas ! depuis cette époque je n’ai plus revu le visage si doux de ma mère, le sourire si bon de mon père ; j’étais seule désormais au milieu des bandits qui m’avaient enlevée.

— Mais votre sœur, enfant, votre sœur, que devint-elle ?

— Je ne sais ; une violente querelle s’éleva entre