Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/13

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La plaza, ou village del Paso, est située à la tête de la vallée ; à l’extrémité opposée est le presidio de San Elezario. Tout l’intervalle est rempli par une ligne continue de maisons blanches à toits plats, enfouies dans des jardins et entourées de vignobles.

À un mille au-dessus du passage, la rivière est barrée et l’eau conduite par un canal de dérivation appelé Acequia madre dans la vallée qu’elle arrose.

C’est à quelques milles à peine de cet établissement que commence l’Apacheria.

On sent que le pas de l’homme civilisé n’a foulé que timidement et à de rares intervalles cette contrée toute primitive où la nature, libre de se développer sous l’œil tout-puissant du Créateur, prend des aspects d’une fantaisie et d’une beauté incroyables.

Par une belle matinée du mois de mai, que les Indiens nomment wabigon-quisis (lune des fleurs), un homme de haute taille, aux traits durs et accentués, monté sur un fort cheval à demi sauvage, déboucha au grand trot de la plaza, et après quelques minutes d’hésitation employées sans doute à s’orienter, il appuya résolument les éperons aux flancs de sa monture, traversa le gué, et après avoir laissé derrière lui les nombreux cotonniers qui, en cet endroit, couvrent les bords du fleuve, il se dirigea vers les épaisses forêts qui verdissaient à l’horizon.

Ce cavalier était revêtu du costume adopté sur les frontières, costume pittoresque que nous décrirons en deux mots.

L’inconnu portait un dolman de drap vert, galonné en argent, qui laissait voir une chemise de batiste brodée, dont le col rabattu était fermé par une cravate de soie noire, négligemment attachée à la Colin