Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/16

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portait, et faisait, en tombant, retentir un bruit confus produit par l’éboulement des terres, le sifflement des branches qui se rompaient après leur vibration, et dont le fracas, répercuté par les échos que forme la hauteur des immenses forêts qui règnent le long du fleuve, avait quelque chose de grandiose dans ce désert dont il n’est donné à aucun être humain de sonder les effrayants mystères.

Cependant l’inconnu galopait toujours, l’œil ardemment fixé devant lui, ne semblant rien voir.

Plusieurs heures se passèrent ainsi ; le cavalier s’enfonçait de plus en plus dans la forêt ; il avait quitté les rives du fleuve et n’avançait plus qu’avec des difficultés inouïes au milieu de l’inextricable fouillis d’herbes, de branches et de buissons qui, à chaque pas, arrêtait sa marche et le contraignait à des détours sans nombre.

Seulement, parfois il tirait la bride, lançait un regard vers le ciel, puis il repartait en murmurant à demi-voix ce seul mot :

Adelante ! (en avant !)

Enfin il s’arrêta dans une vaste clairière, jeta un regard soupçonneux aux environs, et, rassuré probablement par le silence de plomb qui pesait sur le désert, il mit pied à terre, entrava son cheval et lui ôta la bride, afin qu’il pût brouter les jeunes pousses.

Ce devoir accompli, il se laissa nonchalamment aller sur le sol, tordit une cigarette de maïs entre ses doigts, sortit un mechero d’or de sa ceinture et battit le briquet.

Cette clairière était assez grande : d’un côté, l’œil s’étendait facilement au loin sur les prairies, dans l’espace laissé libre par les arbres, et permettait de distinguer des daims et des chevreuils qui paissaient