Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/17

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avec sécurité ; du côté opposé, la forêt, de plus en plus sauvage, semblait, au contraire, un infranchissable mur de verdure.

Tout était abrupt et primitif dans ce lieu, que le pied de l’homme avait si rarement foulé.

Certains arbres, tout à fait ou en partie desséchés, offraient les restes vigoureux d’un sol riche et fécond ; d’autres, également antiques, étaient soutenus par des lianes entortillées qui, avec le temps, avaient presque égalé la grosseur de leur premier appui : la diversité des feuilles offrait le plus bizarre mélange. D’autres, recélant dans leur tronc creux un fumier qui, formé des débris de leurs feuilles et de leurs branches à demi mortes, avait échauffé les graines qu’ils avaient laissées tomber, semblaient, par les arbrisseaux qu’ils renfermaient, promettre un dédommagement de la perte de leurs pères.

Dans les prairies, la nature, toujours prévoyante, semble avoir voulu mettre à l’abri des injures du temps certains vieux arbres, patriarches des forêts, affaissés sous le poids des siècles, en leur formant un manteau d’une mousse grisâtre qui pend en festons depuis la cime des plus hautes branches jusqu’à terre, en affectant les dessins et les découpures les plus étranges.

L’inconnu, étendu sur le dos, sa tête soutenue par les deux mains croisées, fumait avec cette béatitude pleine de nonchalance et de paresse, particulière aux Hispano-Américains.

Il ne s’interrompait dans cette douce occupation que pour tordre une nouvelle cigarette et jeter un regard aux environs en murmurant :

— Hum ! il me fait bien attendre.