Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/267

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Une longue poutre descendait au fil de l’eau en roulant sur elle-même, emportée par le courant assez fort en cet endroit.

Sur cette poutre était attachée une femme qui tenait un enfant dans ses bras crispés.

À chaque tour de la poutre, la malheureuse plongeait avec son enfant dans la rivière ; à dix pas au plus de la poutre, un énorme caïman nageait vigoureusement pour happer les deux victimes.

Valentin épaula son rifle.

Curumilla se laissa en même temps glisser dans l’eau, mordant entre ses dents la lame de son couteau, et il se dirigea vers la poutre.

Valentin resta quelques secondes immobile, comme s’il avait été changé en un bloc de marbre. Tout à coup il lâcha la détente, le coup partit, répercuté au loin par les échos. Le caïman bondit sur lui-même, plongea en faisant bouillonner l’eau, mais il reparut presque immédiatement le ventre en l’air ; il était mort.

La balle de Valentin lui était entrée dans l’œil et l’avait foudroyé.

Cependant Curumilla avait en quelques brassées atteint la poutre.

Sans perdre de temps, il lui imprima une direction opposée à celle qu’elle suivait, et tout en la maintenant de façon à ce qu’elle ne pût pas tourner et submerger la malheureuse qu’elle portait, il l’échoua sur le sable de la rive.

En deux coups il trancha les liens qui attachaient la malheureuse, la saisit dans ses bras et la porta tout courant jusqu’auprès du feu du campement.

La pauvre femme ne donnait pas signe de vie.