Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/333

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neries et qu’il eût déployé toute sa science, il avait trouvé dans Fray Ambrosio un adversaire tellement habile, qu’après plus de trois heures d’une lutte acharnée, tous deux se trouvaient aussi peu avancés qu’auparavant.

Cependant le moine avait, en venant dans le rancho, un but que le Cèdre-Rouge était loin de soupçonner.

Fray Ambrosio appuya ses coudes sur la table, pencha le corps en avant, et, tout en jouant nonchalamment avec les cartes qu’il s’amusait à mêler, il dit au ranchero, en fixant sur lui un regard interrogateur :

— Voulez-vous causer un peu ? don Andrès.

— Volontiers, répondit celui-ci, qui s’était à moitié levé et se laissa retomber sur son siége.

Par un pressentiment secret, Andrès Garote avait deviné que le moine avait quelque proposition importante à lui faire.

Ainsi, grâce à cette intuition instinctive que les coquins possèdent pour certaines choses, les deux hommes s’étaient mutuellement devinés.

Fray Ambrosio se mordit les lèvres ; l’intelligence du gambusino lui faisait peur.

Cependant celui-ci fixait sur lui des regards d’une expression si naïvement niaise qu’il se laissa aller comme malgré lui à faire sa confidence.

— Señor don Andrès, dit-il d’une voix douce et insinuante, quel bonheur que votre pauvre frère en mourant m’ait révélé le secret du riche placer qu’il vous avait caché à vous-même !

— En effet, répondit Andrès qui pâlit légèrement, c’est fort heureux, señor padre ; pour ma part, je m’en félicite tous les jours.

— N’est-ce pas ? car sans cela cette immense fortune