Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/65

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Le Cèdre-Rouge dit alors quelques mots à voix basse à l’oreille de Fray Ambrosio, qui baissa affirmativement la tête et s’éloigna immédiatement dans la direction de l’hacienda de la Noria, suivi d’Andrès Garote.

Le squatter se retourna vers les Rangers qui attendaient ses ordres.

— Vous savez où nous allons, seigneurs cavaliers, dit-il ; marchons, et surtout du silence si nous voulons prendre notre gibier au gîte ; vous savez que ces maudits Indiens sont malins comme des oppossums.

La troupe partit au galop. Le Cèdre-Rouge et ses fils marchaient en tête.

Il faisait une de ces nuits calmes, pleines d’âcres senteurs qui portent l’âme à la rêverie, comme l’Amérique seule a le privilége d’en posséder.

Le ciel, d’un bleu sombre était plaqué d’un nombre infini d’étoiles, au milieu desquelles resplendissait la majestueuse croix du Sud, étincelant comme un manteau de roi ; l’atmosphère était d’une transparence inouïe, qui laissait distinguer les objets à une grande distance ; la lune répandait à profusion ses rayons argentés, qui donnaient au paysage une apparence fantastique ; une brise mystérieuse courait sur la cime houleuse des grands arbres, et parfois de vagues rumeurs traversaient l’espace et se perdaient dans le lointain.

Les sombres cavaliers couraient toujours, silencieux et mornes, semblables à ces fantômes des anciennes légendes qui se pressent dans l’ombre pour accomplir une œuvre sans nom.

Au bout d’une heure à peine on atteignit la rancheria.