Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

considérable de génies secondaires qui aident Pillian dans sa lutte contre Guécubu.

Ces génies sont mâles et femelles ; ces dernières sont toutes vierges, car, idée raffinée qu’on était loin d’attendre d’une nation barbare, la génération, n’a pas lieu dans le monde intellectuel.

Les dieux mâles sont nommés Géru, seigneurs.

Les femelles Amey-Malghen, nymphes spirituelles.

Les Araucans croient à l’immortalité de l’âme, et par conséquent à une vie future, où les Guerriers qui se sont distingués sur la terre chassent dans des prairies giboyeuses, entourés de tout ce qu’ils ont aimé.

Comme toutes les nations américaines, les Araucans sont extrêmement superstitieux.

Leur culte consiste à se réunir dans le toldo de médecine, où se trouve une idole informe qui est censée représenter Pillian ; ils pleurent, poussent de grands cris avec force contorsions, et lui sacrifient un mouton, une vache, un cheval ou un Chilihueque.

Sur un signe de Curumilla, les guerriers s’éloignèrent pour livrer passage aux femmes qui entourèrent le cadavre et se mirent à marcher en rond, en chantant sur un ton bas et plaintif les hauts faits du mort.

Au bout d’une heure, le cortège s’ébranla à la suite du corps, porté par les quatre guerriers les plus renommés de la tribu, et se dirigea vers une colline où la sépulture était préparée.

Par derrière venaient des femmes qui jetaient à pleines mains de la cendre chaude sur les traces laissées par le passage du cortège, afin que s’il prenait envie à l’âme du défunt de rentrer dans son corps, elle ne pût retrouver le chemin de son toldo et venir troubler ses héritiers.

Lorsque le cadavre eut été assis dans la fosse, Curumilla égorgea les chiens et les chevaux de son père qui furent déposés auprès de lui pour qu’il pût chasser dans les prairies bienheureuses. À portée de sa main on plaça une certaine quantité de vivres pour sa nourriture et celle de la tempulaggy ou batelière chargée de le conduire dans l’autre contrée, en présence de Pillian, où il devait être jugé suivant ses bonnes ou mauvaises actions, puis on jeta de la terre sur le corps ; mais comme le défunt avait été un guerrier renommé, on amoncela des pierres dont on forma une pyramide, puis chacun fit une dernière fois le tour de la tombe en versant dessus une grande quantité de chicha.

Les parents et les amis retournèrent en dansant et en chantant au village, où les attendait un de ces homériques repas de funérailles araucaniens nommés cahuins, qui durent jusqu’à ce que tous les convives tombent ivres-morts.

Les voyageurs ne se souciaient que fort médiocrement d’assister à ce festin, ils se sentaient fatigués et préféraient prendre un peu de repos.

Tangoil Lanec devina leur pensée ; aussitôt que le cortège fut de retour à la tolderia, il se sépara de ses compagnons et offrit aux jeunes gens de les conduire à sa demeure.

Ceux-ci acceptèrent avec empressement.