Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/140

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Indiens parlent l’espagnol avec une facilité étonnante, Valentin put donc se faire parfaitement comprendre.

Un guerrier plus complaisant que les autres, s’offrit pour servir de guide aux Français, qui étaient littéralement perdus dans le village et ne savaient pas de quel côté se diriger, et les conduisit au toldo du chef, devant lequel une vingtaine de cavaliers armés en guerre étaient réunis et paraissaient attendre.

— Voici Antinahuel, le grand toqui de l’Inapiré-Mapus, dit emphatiquement le guide en désignant du doigt le chef qui, en ce moment, sortait de son toldo, attiré par la rumeur qu’il avait entendue.

— Merci, dit Valentin.

Les deux Français s’avancèrent rapidement vers le toqui, lequel, de son côté, faisait quelques pas au-devant d’eux.

— Eh ! eh ! dit Valentin bas à son compagnon, cet homme a une belle prestance et un air bien intelligent pour un Indien.

— Oui, répondit Louis sur le même ton, mais il a le front étroit, le regard louche et les lèvres pincées, il ne m’inspire qu’une médiocre confiance.

— Bah ! fit Valentin, tu es par trop difficile ; t’attendais-tu à ce que ce sauvage fût un Antinoüs ou un Apollon du Belvédère ?

— Non, mais je lui aurais voulu plus de franchise dans le regard.

— Nous allons le juger.

— Je ne sais pas pourquoi, mais cet homme me produit l’effet d’un reptile, il m’inspire une répulsion invincible.

— Tu es trop impressionnable, mon ami ; je suis sûr que cet homme qui, en effet, a tout l’air d’un franc coquin, est au fond le meilleur homme du monde.

— Dieu veuille que je me trompe mais j’éprouve à son aspect une émotion dont je ne puis me rendre compte ; il me semble qu’une espèce de pressentiment m’avertit de prendre garde à cet homme et qu’il me sera fatal.

— Folies que tout cela ! Quels rapports peux-tu jamais avoir avec cet individu ? Nous sommes chargés d’une mission auprès de lui ; qui sait si nous le reverrons un jour, et puis quels intérêts peuvent nous lier à lui dans l’avenir ?

— Tu as raison, je ne sais ce que je dis, d’ailleurs nous allons savoir bientôt à quoi nous en tenir sur son compte, car nous voici arrivés auprès de lui.

En effet, ils se trouvaient en ce moment en face du toldo du chef. Antinahuel se tenait devant eux et les examinait attentivement, en paraissant complètement absorbé par quelques ordres qu’il donnait à ses mosotones.

Il s’approcha vivement d’eux, et les saluant avec la plus exquise politesse :

Marry-Marry ! dit-il d’une voix douce avec un geste gracieux, étrangers, soyez les bienvenus dans mon toldo. Votre présence réjouit mon cœur ; veuillez passer le seuil de cette misérable hutte qui vous appartient pour tout le temps que vous daignerez rester parmi nous.

— Merci des aimables paroles de bienvenue que vous nous adressez, chef puissant, répondit Valentin ; les personnes qui nous ont envoyés vers vous nous avaient avertis de la bonne réception qui nous attendait.

— Si les étrangers viennent ici de la part de mes amis, c’est une raison de