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plus pour que je m’efforce de leur être agréable autant que cela sera en mon pouvoir.

Les deux Français s’inclinèrent cérémonieusement et mirent pied à terre.

Sur un signe du toqui, des peones s’emparèrent des chevaux et les conduisirent dans un vaste corral situé derrière le toldo.



XXVI

LE PARRICIDE


Nous l’avons dit plusieurs fois déjà, en temps de paix les Araucans sont extrêmement hospitaliers ; cette hospitalité qui, de la part des guerriers, est simple et cordiale, de celle des chefs devient fastueuse.

Antinahuel était loin d’être un Indien grossier, attaché quand même aux usages de ses pères, bien qu’au fond du cœur il détestât cordialement, non seulement les Espagnols, mais indistinctement tous les individus qui appartenaient à la race blanche ; l’éducation semi-civilisée qu’il avait reçue lui avait donné des goûts de {corr|comfort|confort}} complètement en dehors des habitudes indiennes. Nombre de fermiers chiliens fort riches auraient été dans l’impossibilité de déployer un luxe comparable à celui qu’il étalait, lorsque son caprice ou son intérêt le poussaient à le faire.

Dans les circonstances présentes, il n’était pas fâché de montrer à des étrangers que les Araucans n’étaient pas aussi barbares que leurs arrogants voisins le voulaient donner à supposer, et qu’ils pouvaient, quand cela était nécessaire, rivaliser avec eux.

Au premier coup d’œil, Antinahuel avait reconnu que ses hôtes n’étaient pas Espagnols ; mais, avec cette circonspection qui forme le fond du caractère indien, il avait renfermé ses observations dans son cœur.

Ce fut de l’air le plus gracieux et avec le son de voix le plus doux, qu’il les engagea à entrer dans son toldo.

Les Français l’y suivirent.

D’un geste, le chef les invita à s’asseoir.

Des peones mirent une profusion de cigares et de cigarettes sur la table, auprès d’un charmant brasero en filigrane.

Au bout d’un instant, d’autres peones entrèrent avec le maté qu’ils présentèrent respectueusement au chef et à ses hôtes.

Alors, sans que le silence eût été rompu, — les lois de l’hospitalité araucane exigent que l’on n’adresse aucune question aux étrangers, tant qu’ils ne jugent pas à propos de prendre la parole, — chacun huma l’herbe du Paraguay tout en fumant.

Cette opération préliminaire terminée, Valentin se leva :

— Je vous remercie, chef, dit-il, en mon nom et en celui de mon ami, de votre franche hospitalité.