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— C’est juste, vous avez raison, je suis en effet charmé de vous voir ; oubliez ce que nous avons dit, chef, j’accepte toutes vos conditions ; êtes-vous satisfait, cette fois ?

— Oui. Même celle de Valdivia ?

— Celle-là surtout ! fit le général avec une rage sourde et concentrée.

— Ah !

— Oui, et comme cette province est révoltée, pour que je vous la donne, il faut que je la fasse rentrer dans le devoir, n’est-ce pas ?

— En effet !

— Eh bien ! comme j’ai à cœur de remplir loyalement tous les engagements que je prends envers vous, je vais immédiatement marcher contre elle. Voulez-vous m’aider à la soumettre ?

— C’est trop juste, puisque je travaillerai pour moi.

— Combien avez-vous de cavaliers sous la main ?

— Douze cents.

— Bien ! fit le général, c’est plus qu’il ne nous en faut.

Diego parut.

— Les troupes sont prêtes, elles n’attendent plus que les ordres de Votre Excellence, général, dit-il.

— En selle, alors ! partons ! partons ! et, vous, chef, m’accompagnerez-vous ?

— Que mon père parte ! mes mosotones et moi nous marcherons dans ses pas.

Dix minutes plus tard, le général Bustamente reprenait au galop, avec tous ses soldats, le chemin de Valdivia.

Antinahuel le suivit quelque temps des yeux avec attention, puis il rejoignit ses Ulmènes, en disant entre ses dents :

— Laissons un peu ces Moro-Huincas s’entre-détruire, il sera toujours temps de se mettre de la partie !




XXXII

DANS LA MONTAGNE


Doña Rosario sentit une telle frayeur et un si grand saisissement s’emparer d’elle, quand elle vit tomber sous le poignard d’assassins inconnus le comte de Prébois-Crancé, qu’elle s’évanouit.

Lorsqu’elle reprit ses sens, la nuit était noire.

Pendant quelques instants ses pensées confuses tourbillonnèrent dans son cerveau ; elle chercha, mais longtemps en vain, à renouer le fil si brusquement rompu de ses idées. Enfin la lumière se fit dans son esprit, elle poussa un profond soupir et murmura d’une voix basse et pleine de terreur :