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repoussé cette mère au désespoir, qui tomba mourante sur les dalles froides de la chambre, cet homme sans cœur et sans pitié disparut avec l’enfant.


La porte s’ouvrit brusquement et plusieurs hommes firent irruption dans le cuarto.


— Et la mère ? demanda avec anxiété doña Rosario, vivement émue de ce récit que la Linda faisait tout à son avantage.

— La mère, répondit-elle d’une voix basse et entrecoupée, elle ne devait jamais revoir son enfant ! elle ne l’a jamais revu ! Prières, menaces, tout a été tour à tour employé par elle sans succès ; alors cette mère qui adore son enfant, qui donnerait sa vie pour elle, cette mère a voué à l’homme qu’elle avait tant aimé et qui était sans pitié pour elle, une haine que nulle vengeance ne sera jamais assez forte pour assouvir ! À présent, sais-tu le nom de cette mère, jeune fille ? dis, le sais-tu ? Non, n’est-ce pas ? eh bien ! cette mère, c’est moi ! L’homme qui lui a ravi tout son bonheur, l’homme qu’elle hait à l’égal du démon dont il a le cœur, cet homme c’est don Tadeo de Leon !

— Don Tadeo !… s’écria doña Rosario en reculant de surprise.

— Oui, reprit la Linda avec rage, don Tadeo, ton amant !

La jeune fille bondit jusqu’à doña Maria, et lui saisissant le bras à le briser, et approchant son visage enflammé de colère de celui de la courtisane, stupéfaite de cette énergie qu’elle ne soupçonnait pas dans cette mignonne enfant.

— Qu’avez-vous osé dire, madame ? fit-elle avec indignation, don Tadeo, mon amant, lui ?… Vous en avez menti, madame !

— Serait-il vrai ? demanda vivement la Linda, me serais-je en effet si grossièrement trompée ? Mais alors, ajouta-t-elle avec défiance, qui donc êtes-vous ? et à quel titre vous garde-t-il auprès de lui ?

— Qui je suis, madame ? répondit noblement la jeune fille, je vais vous le dire.

Tout à coup le galop précipité de plusieurs chevaux se fit entendre au dehors, mêlé à des cris et à des jurons.

— Que se passe-t-il donc ? dit doña Maria en pâlissant.

— Oh ! fit doña Rosario en joignant les mains avec ferveur, mon Dieu ! m’envoyez-vous des libérateurs ?

— Vous n’êtes pas libre encore, lui dit la Linda avec un sourire cruel.

Le tumulte augmenta dans d’énormes proportions, la porte violemment poussée au dehors s’ouvrit brusquement, et plusieurs hommes firent irruption dans le cuarto.




XXXV

LA RÉVOLTE


La multiplicité des scènes que nous avons à rapporter et les exigences de notre récit nous contraignent à abandonner doña Rosario et la Linda pour retourner à Valdivia, où la révolte avait pris les proportions gigantesques d’une révolution.