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de leurs chevaux, tout, dans leur déguisement était si exact, qu’à une distance même très proche il était impossible que les yeux exercés des Indiens eux-mêmes les reconnussent

Ces soi-disant Indiens étaient commandés par Joan, qui marchait à leur tête, tout en fouillant, sans paraître y attacher d’importance, d’un regard inquisiteur, les hautes herbes qu’il traversait, afin de s’assurer que nul espion n’était aux aguets.

À vingt-cinq kilomètres de Valdivia, à moitié route du cañon, la seconde troupe fit halte, tandis que celle commandée par Joan continuait à avancer.

Comme cette bande de faux Indiens marchait au grand trot, elle ne tarda pas à prendre une avance considérable et à disparaître entièrement, dans les méandres de la route.

C’était probablement ce qu’attendait le second détachement, car à peine le premier eut disparu qu’il se remit en marche.

Seulement il ne s’avançait que lentement et semblait redoubler de précautions.

Quatre cavaliers étaient demeurés en arrière. Ces quatre cavaliers, qui causaient vivement entre eux, étaient don Tadeo de Leon, don Gregorio Peralta, Curumilla et le comte Louis.

— Ainsi, dit don Gregorio, vous ne voulez personne avec vous ?

— Personne, à nous deux nous suffisons, répondit Curumilla en désignant le jeune Français.

— Pourquoi ne pas m’emmener avec vous ? demanda don Tadeo.

— Je ne vous refuse pas de nous accompagner, reprit le chef ; si je ne vous l’ai pas offert, c’est que j’ai cru que vous préfériez rester avec vos soldats.

— Je veux le plus tôt possible rejoindre ma fille.

— Venez donc, alors. Vous, ajouta-t-il en se tournant vers don Gregorio, souvenez-vous que vous ne devez vous risquer dans le défilé que lorsque vous aurez vu briller un feu au sommet du Corcobado (bossu).

— C’est entendu ; maintenant, adieu et bonne chance !

— Bonne chance ! répondit le comte.

Les quatre hommes se séparèrent après s’être chaleureusement serré la main.

Don Gregorio rejoignit ses soldats au galop, tandis que don Tadeo et le comte, guidés par Curumilla, gravissaient la montagne.

Ils montèrent pendant près d’une heure une rampe assez raide et bordée de profonds précipices ; arrivés à une espèce de plate-forme naturelle de quelques mètres seulement d’étendue, Curumilla s’arrêta.

— Pied à terre, dit-il en joignant l’exemple au précepte.

Ses compagnons l’imitèrent.

— Dessellons nos chevaux, continua le chef, les pauvres bêtes ne pourront nous servir de longtemps. Je connais, non loin d’ici, un endroit où elles seront parfaitement abritées, et où nous les reprendrons en revenant, si nous revenons, ajouta-t-il avec un sourire équivoque.

— Holà, chef ! demanda Louis, avez-vous donc une aussi mauvaise opinion de la démarche que nous tentons ?