Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/287

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— Och ! reprit l’Ulmen, mon frère est jeune, son sang est très chaud ; Curumilla est vieux, il est sage.

— Merci, chef, dit le jeune homme d’un ton de bonne humeur, il est impossible de traiter plus poliment de fou un de ses amis.

Tout en causant ainsi entre eux, les trois hommes avaient continué à monter, en traînant leurs chevaux après eux par la bride ; chose qui n’était pas facile, sur ce sentier étroit où les animaux buttaient à chaque pas, renâclaient et dressaient les oreilles avec terreur.

Enfin ils atteignirent avec mille peines l’entrée d’une grotte naturelle dans laquelle ils parvinrent à faire entrer les nobles bêtes.

On les fournit abondamment de nourriture, puis l’entrée de cette grotte fut bouchée au moyen de grosses pierres, entre lesquelles on pratiqua seulement une étroite ouverture pour laisser passer l’air et filtrer un peu de lumière.

Ce soin rempli, Curumilla se tourna vers ses compagnons.

— Partons ! dit-il.

Ils rejetèrent leurs fusils sur l’épaule et se remirent résolument en marche.

À partir du lieu qu’ils quittaient, il n’existait plus de sentier tracé ; ils étaient obligés de monter en s’accrochant aux racines, aux branches d’arbres ou aux touffes d’herbes, et de s’enlever continuellement à la force du poignet.

Cette ascension était non seulement hérissée de difficultés sans nombre, mais encore excessivement périlleuse et surtout des plus fatigantes.

Le moindre faux pas, une position mal prise ou mal assurée, un mouvement mal calculé, suffisaient pour les précipiter dans un abîme d’une profondeur incommensurable, au fond duquel ils ne seraient arrivés qu’en lambeaux, car ils grimpaient presque à pic, en rampant comme des reptiles le long des flancs escarpés de la montagne, et en s’aidant des pieds et des mains.

Quant à Curumilla, il montait avec une facilité et une légèreté qui remplissaient ses compagnons d’admiration, et que, dans le fond du cœur, ils ne pouvaient s’empêcher d’envier.

Parfois il se retournait pour les encourager ou leur tendre la main.

Après cinq quarts d’heure de cette pénible ascension, l’Ulmen s’arrêta.

— C’est ici, dit-il.

Les trois hommes avaient atteint le sommet d’un pic élevé du haut duquel un immense et splendide panorama se déroulait à leurs yeux.