Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/304

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— Oui, répondit le Français avec conviction, car c’est là seulement que l’homme voit Dieu face à face. Oh ! jamais je ne parviendrai à acquérir les connaissances que possède cet Indien.

Ils entrèrent dans le village.

Ainsi que l’avait dit Trangoil Lanec, il semblait abandonné.

Comme dans toutes les tolderias indiennes, les portes étaient ouvertes et les voyageurs purent facilement, sans entrer dans les maisons, s’assurer de l’absence des habitants.

Dans quelques-unes seulement, ils virent des malades qui, couchés sur des pellones, — peaux de moutons, — geignaient lamentablement.

— Caramba ! fit Valentin désappointé, vous avez si bien deviné, chef, que nous ne trouvons même pas des chiens pour nous mordre les mollets.

— Continuons notre route, dit le chef toujours impassible.

— Ma foi, répondit le jeune homme, je crois que c’est ce qui nous reste de mieux à faire, car il nous est même impossible de nous procurer des renseignements.

Tout à coup César s’élança en hurlant, et arrivé devant une hutte isolée il s’arrêta à la porte et se mit à gratter la terre avec ses pattes en poussant des cris furieux.

— Dans cette maison, dit Trangoil Lanec, nous apprendrons peut-être des nouvelles de la jeune fille pâle.

— Hâtons-nous donc de nous y rendre ! s’écria Valentin avec impatience.

Les deux hommes se dirigèrent en courant vers la hutte.

César continuait toujours ses hurlements.



XIII

RENSEIGNEMENTS.


Lorsque Valentin et Trangoil Lanec arrivèrent devant la hutte, la porte s’ouvrit et une femme se présenta sur le seuil.

Cette femme paraissait âgée de quarante ans environ, bien qu’en réalité elle n’en eût au plus que vingt-cinq ; mais la vie à laquelle sont condamnées les femmes indiennes, les travaux auxquels elles sont astreintes, les vieillissent vite et leur font perdre en peu d’années cette fleur de beauté et de jeunesse que les femmes de nos climats, habituées à un régime plus doux, conservent si longtemps.

Cette femme avait dans le visage une grande expression de douceur mêlée à une teinte de mélancolie, elle paraissait souffrante.

Son vêtement, tout en laine de couleur bleu turquin, consistait en une tunique qui lui tombait jusqu’aux pieds, mais fort étroite, ce qui oblige les femmes de ce pays à ne faire que de petits pas ; un mantelet court appelé