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— Celle-ci, lui répondit la femme en lui montrant la plus mignonne.

— Bon, fit Trangoil Lanec en la marquant, puis serrant soigneusement le bout de corde dans sa ceinture, il vint à son tour se coucher sur le sol auprès de Valentin et il ne tarda pas à s’endormir.




XIV

L’EMBUSCADE


Curumilla et ses deux compagnons descendaient avec le plus de célérité qui leur fût possible les hauteurs abruptes du Carcovado.

Mais si l’ascension avait été rude, la descente ne l’était pas moins.

À chaque pas les voyageurs étaient arrêtés dans leur marche par des rochers qui se dressaient devant eux, ou d’épais fourrés d’arbres qui leur barraient le passage.

Souvent ils croyaient poser le pied sur un terrain ferme, leur pied s’enfonçait subitement et ils reconnaissaient avec effroi que ce qu’ils avaient pris pour le sol n’était qu’un fouillis de plantes entrelacées qui cachaient d’énormes fondrières ; partout, sous leurs pas, s’échappaient des myriades de hideux animaux ; parfois, ils entrevoyaient des serpents qui déroulaient leurs anneaux menaçants sous les feuilles mortes et les détritus sans nom qui, de toutes parts, recouvraient la terre.

IL leur fallut tantôt ramper sur les genoux, tantôt sauter de branches en branches, ou bien, la hache à la main, se frayer une route.

Cette marche, pénible et fatigante, composée d’une infinité de détours, dura près de deux heures.

Au bout de ce temps, ils se retrouvèrent à l’entrée de la grotte où ils avaient laissé leurs chevaux.

Les deux blancs étaient littéralement harassés ; le comte surtout, qui, élevé dans des habitudes tout aristocratiques, n’avait jamais mis ses forces à une si rude épreuve, se sentait complètement anéanti ; ses pieds et ses mains étaient couverts d’ampoules, son visage déchiré ; l’obligation de marcher l’avait soutenu jusque-là, mais une fois arrivé sur la plate-forme, il se laissa tomber haletant en jetant autour de lui les regards hébétés d’un homme vaincu par un exercice violent trop longtemps continué.

Don Tadeo était loin de se sentir aussi harassé que son compagnon, cependant sa respiration était courte, l’incarnat qui couvrait ses joues et la sueur qui inondait son visage étaient autant de preuves de la lassitude qu’il éprouvait.

Quant à Curumilla, il était aussi frais et aussi dispos que s’il n’avait pas fait un pas.