Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/311

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Les fatigues physiques ne semblaient pas avoir de prise sur l’organisation de fer de l’Indien,

— Mes frères ont besoin de repos, dit-il, nous resterons ici le temps nécessaire pour qu’ils puissent reprendre des forces.

Ni don Tadeo ni le comte ne répondirent, la honte les empêchait d’avouer leur faiblesse.

Une demi-heure s’écoula sans qu’un mot fût échangé.

Curumilla s’était éloigné.

Lorsqu’il reparut :

— Eh bien ? demanda-t-il.

— Encore quelques minutes, répondit le comte.

L’Indien hocha la tête.

— Le temps presse, fit-il.

Le chef sortit alors une petite boîte de sa ceinture, l’ouvrit et la présenta à don Tadeo.

— Tenez, dit-il.

Cette boîte était divisée en quatre compartiments ; le premier contenait une certaine quantité de feuilles sèches de la couleur blanchâtre des feuilles de bouleau, le second renfermait de la chaux vive, le troisième de petits morceaux de pierre qui étaient gros comme des avelines, dont ils avaient la forme, dans le quatrième se trouvaient trois ou quatre minces spatules en bois de fer.

— Oh ! s’écria don Tadeo avec joie, de la coca !…

— Oui, fit l’Indien, mon père peut prendre.

Don Tadeo ne se le fit pas répéter ; il saisit vivement une des spatules d’une main, de l’autre il prit une feuille, sur cette feuille, au moyen de la spatule, il étendit de la chaux vive, enveloppa un morceau de pierre dans la feuille ainsi préparée, de façon à former une espèce de boule qu’il mit dans sa bouche.

Le comte avait suivi les divers mouvements de don Tadeo avec un intérêt toujours croissant ; dès qu’il eut terminé :

— Qu’est-ce que c’est donc que cela ? lui demanda-t-il avec curiosité.

— De la coca, répondit celui-ci.

— Fort bien, mais cela ne m’apprend rien.

— Mon ami, fit don Tadeo, l’Amérique est la terre promise, son sol privilégié produit tout : de même que nous avons l’herbe du Paraguay qui remplace le thé, nous avons la coca qui, je vous l’assure, remplace avantageusement le bétel, je vous engage à en essayer.

— Avec votre garantie, don Tadeo, j’essaierais de faire des choses impossibles, à plus forte raison de goûter cette feuille qui me paraît assez inoffensive ; mais je vous avoue que je ne serais pas fâché de connaître les qualités de cette panacée qui, d’après la joie que vous avez montrée à sa vue, doivent être grandes.

— Jugez-en, répondit don Tadeo, qui tout en parlant préparait une seconde pilule en tout semblable à la première, la coca a la faculté de rendre les forces, d’enlever le sommeil, la faim et de réveiller le courage.