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XVI

PROPOSITIONS


L’obscurité ne tarda pas à envelopper la terre et à confondre tous les objets.

Les ténèbres étaient épaisses. Des nuages couraient lourdement dans l’espace et cachaient le disque blafard de la lune.

Un silence de mort pesait sur la nature. Parfois ce silence était interrompu par les cris sinistres des bêtes fauves ou les sifflements du vent à travers les branches des arbres.

En vain les trois hommes réfugiés sur les rochers se fatiguaient les yeux en cherchant à distinguer les objets, autour d’eux tout était obscurité.

À de longs intervalles, des bruits sans nom montaient jusqu’à la plate-forme sur laquelle ils se trouvaient et augmentaient encore leur inquiétude.

Obligés de veiller avec soin pour éviter toute surprise, aucun d’eux n’eut le loisir de prendre un instant de repos.

Don Tadeo avait remarqué pendant le jour que, bien que les rochers au sommet desquels ils étaient s’élevassent à pic dans l’espace, la montagne sur la pente de laquelle ils s’élevaient était beaucoup plus haute qu’eux, et que, bien qu’à une distance assez considérable, d’adroits tireurs postés à une certaine hauteur les domineraient et les fusilleraient presque sans coup férir.

Il fit part à ses compagnons de cette observation, dont ils reconnurent la justesse.

Du côté de la plaine, ils étaient parfaitement garantis, l’escalade était impossible et ils pouvaient tirer à l’abri sur ceux qui les attaqueraient.

Ils s’occupèrent donc de se fortifier également du côté opposé.

Ils profitèrent des ténèbres qui les enveloppaient comme d’un linceul pour le faire.

Ils élevèrent une espèce de mur en entassant les pierres les unes sur les antres à une hauteur de huit pieds, et comme en ce pays les rosées sont excessivement fortes, au moyen de la lance de Curumilla et de celle de Joan, que celui-ci avait abandonnée en partant, ils établirent une espèce de tente en étendant dessus deux ponchos qu’ils attachèrent l’un à l’autre.

Sous cette tente ils entassèrent les couvertures et les pellones de leurs chevaux, de sorte que non seulement ils parvinrent à se garantir de toute attaque de ce côté, mais encore ils se procurèrent un abri fort utile contre le froid de la nuit et la chaleur des rayons du soleil pendant le jour, s’ils étaient contraints de demeurer longtemps en ce lieu.