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infliger, avant que les circonstances fussent devenues assez favorables pour qu’il pût sans danger assouvir sa vengeance.

Pendant les huit jours qu’il avait obtenus, il se réservait d’expédier partout le quipos, afin de réunir le plus grand nombre de guerriers possible.

Au lever du soleil le camp fut levé.

Les Aucas marchèrent toute la journée dans les montagnes sans but déterminé.

Le soir on s’arrêta comme d’habitude.

Avant de se livrer au repos, Antinahuel s’approcha de la Linda, et lui dit seulement :

— Ma sœur a-t-elle commencé ?

— J’ai commencé, répondit-elle.

La vérité était qu’elle avait passé la journée à chercher vainement à obliger la jeune fille à lui parler ; celle-ci s’y était constamment refusée, mais la Linda n’était pas femme à se rebuter facilement.

Dès que le chef l’eut quittée, elle alla trouver doña Rosario, et courbant la tête :

— Señorita, lui dit-elle d’une voix basse et triste, pardonnez-moi tout le mal que je vous ai fait, j’ignorais à qui je m’adressais ; au nom du ciel, ayez pitié de moi, je suis votre mère !

À cet aveu, la jeune fille chancela comme foudroyée, elle pâlit affreusement et étendit les bras comme pour chercher un appui.

La Linda se précipita pour la soutenir.

Doña Rosario la repoussa avec un cri d’horreur et s’enfuit sous son toldo.

— Oh ! s’écria la Linda avec des larmes dans la voix, je l’aimerai tant qu’il faudra qu’elle me pardonne !

Et elle se coucha en travers de l’entrée du toldo, pour être certaine que personne n’y pénétrerait sans qu’elle s’en aperçût.




XXXVIII

SUR LA PISTE.


C’était le soir, huit jours après les événements que nous avons rapportés dans notre précédent chapitre, à vingt lieues d’Arauco, dans une forêt vierge composée de myrtes, de cyprès et d’espinos, qui couvre de ses verts ombrages les premiers plans de la Cordillère.

Quatre hommes étaient assis autour d’un feu, dont les charbons incandescents servaient à rôtir un cuissot de guanacco saupoudré de piment.

De ces quatre hommes, deux portaient le costume indien et n’étaient autres que Trangoil Lanec et Curumilla.