Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous êtes des nôtres, vous relevez de notre justice, répondit le président d’un ton sardonique.

— Prenez garde à ce que vous allez faire, messieurs, reprit le général d’une voix hautaine, je suis le ministre de la Guerre !

— Et moi je suis le Roi des ténèbres, s’écria le président avec un éclat de voix terrible qui glaça le général d’épouvante, mon poignard est plus sûr que les fusils de vos soldats, il ne laisse pas échapper ses victimes ! Frères, quel châtiment mérite cet homme ?

— La mort ! répondirent les conjurés.

Le général vit qu’il était perdu.



XV

LE DÉPART

Le sergent Diego laissé par le général Bustamente à quelques pas de la Quinta Verde, n’était pas tranquille sur le sort de son chef ; il avait de tristes pressentiments.

C’était un vieux soldat au fait de toutes les ruses et de toutes les trahisons employées dans son pays entre ennemis intimes. Il avait été loin d’approuver la démarche tentée par le général. Mieux que personne il savait le peu de confiance que l’on devait avoir dans les espions. Contraint ostensiblement d’obéir à l’ordre qu’il avait reçu, il avait résolu in petto de ne pas abandonner sans secours son chef dans le guêpier au milieu duquel il était allé donner tête baissée.

Diego portait au général Bustamente, sous les ordres duquel il servait déjà depuis plus de dix ans, une profonde amitié, ce qui lui donnait droit à certaines privautés auprès de lui et surtout à son entière confiance.

Il se mit immédiatement en rapport avec deux autres chefs de détachement, chargés comme lui de surveiller la maison mystérieuse dont la noire silhouette se détachait lugubrement dans la nuit, et autour de laquelle il avait établi un blocus sévère.

Il se promenait de long en large, en mordillant sa moustache et maugréant tout bas, déterminé si le général ne sortait pas au bout d’une demi-heure, d’y entrer de gré ou de force, lorsqu’une lourde main s’appesantit sur son épaule ; il se retourna vivement en retenant avec peine un juron qui expira sur ses lèvres.

Un homme se trouvait devant lui : cet homme était don Pedro.

— Vous ? s’écria-t-il en le reconnaissant.

— Moi ! répondit l’espion.

— Mais d’où diable sortez-vous ?

— Peu importe, voulez-vous sauver le général ?