Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/93

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trine était couverte de coups, — blessures, — honorables, reçus dans les guerres de leur île, lorsqu’ils combattaient sous les ordres de leur grand chef Zaléon.

— Napoléon ! dit Valentin étonné.

— Oui, je crois que c’est ainsi que les visages pâles prononcent son nom ; mon frère l’a connu ? demanda vivement l’Indien avec une curiosité mal contenue.

— Non, répondit le jeune homme, bien que né sous son règne je n’ai jamais pu le voir, et maintenant il est mort.

— Mon frère se trompe, dit le Puelche avec une certaine solennité, les guerriers comme celui-là ne meurent pas. Lorsqu’ils ont rempli leur tâche sur la terre, ils vont dans l'eskennane, — paradis, — chasser auprès de Pillian, — Dieu, — le maître du monde.

Les jeunes gens s’inclinèrent d’un air convaincu.

— C’est singulier, dit Louis, que la réputation de ce puissant génie se soit étendue jusqu’aux lieux les plus éloignés et les plus ignorés du globe, et qu’elle se soit conservée pure et brillante au milieu de ces hommes grossiers, lorsque dans cette France pour laquelle il a tout fait, on s’est continuellement acharné à l’amoindrir et même à chercher à la détruire.

— Ainsi que font leurs compatriotes qui, de temps en temps, parcourent nos territoires de chasse, nos frères ont sans doute le projet de commercer en venant parmi nous ? où sont leurs marchandises ? reprit le chef.

— Nous ne sommes pas marchands, répondit Valentin, nous venons visiter nos frères les Araucans, dont on nous a beaucoup vanté la sagesse et l’hospitalité.

— Les Moluchos aiment les Français, dit le chef flatté du compliment, mes frères seront bien reçus dans les tolderias, — villages.

— À quelle tribu appartient mon frère ? demanda Valentin, intérieurement charmé de la bonne opinion que les Indiens avaient de ses compatriotes.

— Je suis un des principaux Ulmènes de la tribu sacrée du Grand Lièvre, dit le chef avec orgueil.

— Merci, un mot encore.

— Mon frère peut parler, mes oreilles sont ouvertes.

— Nous sommes à la recherche d’un chef molucho, auquel nous sommes recommandés par des amis de notre couleur, avec lesquels il a souvent trafiqué.

— Quel est le nom de ce chef ?

— Antinahuel.

— Bon.

— Mon frère le connaît ?

— Je le connais. Si mes frères veulent me suivre, ils verront le toldo d’un chef dans lequel ils seront reçus comme des Pennis. Dès qu’ils se seront reposés, s’ils le désirent, je les conduirai moi-même auprès d’Antinahuel, le plus puissant toqui des quatre Utal-Mapus de la confédération araucane.

— Quelle est la province gouvernée par Antinahuel ?

— Le Pirè-Mapus, c’est-à-dire l’intérieur des Andes.