Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Merci.

— Mes frères acceptent-ils la proposition que je leur ai faite ?

— Pourquoi ne l’accepterions-nous pas, chef, si, comme je le crois, elle est sérieuse ?

— Que mes frères viennent donc, reprit en souriant le chef, ma tolderia n’est pas éloignée.

Le déjeuner était depuis longtemps terminé, les Indiens s’étaient remis en selle.

— Bah ! allons-y, dit Valentin, cet Indien m’a l’air de nous parler avec franchise, et puis c’est une occasion pour nous de faire des études de mœurs intéressantes ; qu’en penses-tu, Louis ? cela peut devenir drôle.

— Ma foi ! je ne vois pour nous aucun inconvénient à accepter.

— À la grâce de Dieu, alors !

D’un bond il se trouva à cheval, Louis l’imita.

— En route, commanda le chef.

Les guerriers Puelches partirent au galop.

— C’est égal, disait Valentin de sa voix goguenarde, il faut avouer que ces sauvages ont du bon ; je me surprends à leur porter le plus vif intérêt, ce sont de véritables montagnards écossais pour l’hospitalité. Que penseraient mes camarades du régiment, et surtout mes anciens amis du boulevard du Temple, s’ils savaient ce qui m’arrive ! Houp ! après moi la fin du monde.

Louis sourit à cet boutade de l’incorrigible gamin, et sans plus s’inquiéter, les jeunes gens s’abandonnèrent gaiement à leurs guides qui, après avoir quitté les bords de la rivière, couraient à fond de train dans la direction des montagnes.



XVIII

LE CHACAL NOIR


Pour l’intelligence des faits qui vont suivre, nous sommes obligé de rapporter ici une aventure arrivée vingt et quelques années avant l’époque où commence notre histoire.

Vers la fin du mois de décembre 1816, par une nuit froide et pluvieuse, un voyageur monté sur un excellent cheval et enveloppé avec soin dans les plis d’un large manteau, suivait au grand trot la route au plutôt le sentier perdu dans les montagnes qui conduit de Cruces à San-Josè.

Cet homme était un riche propriétaire qui faisait en ce moment une tournée en Araucanie pour traiter avec les Indiens d’une forte quantité de bœufs et de moutons.

Parti de Cruces vers deux heures de l’après-midi, il s’était attardé en route à conclure différentes affaires avec des huasos, il avait hâte d’arriver à une